La navigation de Sal à Sao Nicolau ne dure qu'une douzaine d'heures et nous laisse le temps, moi et les filles, d'avoir le mal de mer. Plus personne ne s'émeut, c'est comme ça, quand le bateau bouge un peu trop. Manoë est malade en premier, puis vient Yaëlle. Toutes les deux gèrent bien leur état et demandent la bassine à temps quand c'est nécessaire. Grâce aux deux grandes navigations qui nous ont amenées de Méditerranée aux Canaries puis des Canaries au Cap Vert, elles savent que cet état est passager et prennent leur mal en patience.
Quand nous arrivons à Cariçal, à l'est de Sao Nicolau, le ciel est brumeux et nous voyons la côte à seulement 1 ou 2 milles. Le lendemain matin, c'est encore pire, nous ne voyons plus les hauteurs de l'île, et l'air est chargé de poussière rouge : c'est l'harmattan qui souffle. La poussière venue du continent africain s'infiltre partout et recouvre tout, même le bout des cils. Le bateau est couvert de poussière, tout comme notre drapeau français, à tel point qu'on nous a pris pour des belges !
Cela ne nous empêche pas de nous promener dans la vallée où nous redécouvrons le plaisir de marcher sous les arbres. Il y a principalement des acacias, le reste de la végétation étant des potagers. Les branches des acacias sont peuplées de criquets pèlerins, espèce invasive destructrice pour les cultures et qui fait des ravages dans certains pays d'Afrique. Le Cap Vert est à peu près épargné mais lutte pour enrayer sa prolifération.
Dans la végétation, les balades deviennent plus ludiques avec plus de choses à observer : les criquets, la sève qui coule des acacias, les plantes dans les potagers, les moineaux du Cap Vert. Manoë trouve même un squelette de chèvre et se donne pour mission de rassembler tous les morceaux (ça on le fait aussi très bien dans les endroits désertiques).
Au village, Gaëtan et les filles ont introduit le jeu « 1,2, 3, soleil ! » et au bout d'un moment nous nous retrouvons à jouer les animateurs, proposant d'autres jeux que nous réussissons plus ou moins bien à expliquer. Les enfants rient et les adultes qui regardent aussi. Mais au bout d'un moment les adultes vont vaquer à leurs occupations et nous nous retrouvons seuls avec tous les enfants. Il y a souvent des petits conflits qui éclatent sans que nous ne les voyions venir et les coups sont durs entre les enfants. Certains se menacent même avec de grosses pierres. Les filles sont un peu dépassées par tant de bagarres, nous aussi alors nous prenons congé lors d'un moment calme.
En partant vers Tarrafal, derrière une pointe, nous apercevons une crique à l'air sympathique. Il n'y a pas grand chose pour faire accrocher l'ancre mais par bonheur le vent est presque nul et les plateaux rocheux qui bordent la crique nous offrent un snorkelling très chouette. Même Yaëlle se met à l'eau avec un masque et profite des centaines de petits poissons qui jouent à cache cache dans les failles. Il y en a des rouges très jolis, instantanément baptisés « poissons père-noël ».
Manoë inaugure les palmes pour faire comme les enfants qui sont sur « Fleur de Lampaul » (nous regardons les épisodes de l'expédition 1997 en ce moment) et file comme une sirène.
Nous avons chargé l'application Navionics qui nous offre des cartes super précises et trouvons une nouvelle petite crique pour passer la nuit, à 1 mille de la première. L'ancrage est bon ce qui est indispensable pour résister aux rafales de vent venant de la vallée. Nous nous remettons à l'eau tous les quatre et Gaëtan va même chasser. Il ramène un beau poisson mais très mauvais et Manoë est totalement choquée de voir son père tuer des poissons qui sont « ses amis ». Le thon en boîte d'accord, mais pas celui pêché par papa !
Nous refaisons une dernière pause avant Tarrafal pour mouiller à Baixa Rocha, devant une plage de sable blanc surmontée d'orgues basaltiques. Le site est spectaculaire et dénote par rapport aux plages de sable noir de l'île.
Nous arrivons enfin à Tarrafal avec l'idée de ne pas y rester très longtemps. Nous devons refaire le plein d'eau et nous approvisionner en produits frais. Les vallées de la côte au vent de l'île sont vertes et fertiles et nous allons pouvoir y trouver tout ce que nous voulons : bananes, papayes, fruits de la passion, tomates, concombres, pommes de terre, manioc,... et peut-être même du grog produit à partir de la canne à sucre. La vallée est pleine de manguiers mais ce n'est malheureusement pas la saison !
Pour le plein d'eau potable, nous trouvons un moyen d'éviter l'achat de bidons qui nous restent sur les bras et qui coûtent cher. En ville, il y a une petite boutique qui vend de l'eau filtrée. Nous y remplissons nos bidons. Nous aurions aussi pu laisser nos bidons à un aluger qui fait la navette vers la montagne pour remplir les bidons d'eau avec l'eau des hauteurs.
Comme dans toutes les îles du Cap Vert, les aluger desservent toutes les agglomérations de l'île. Je suis fan du principe qui fait que l'absence de voiture n'est absolument pas un problème. Il y a toujours un minibus prêt à partir dans la direction souhaitée donc pas de planification à faire. Quand le bus est plein ou quand il le souhaite, il part. On peut demander au chauffeur de s'arrêter n'importe où sur l'itinéraire et on peut monter à n'importe quel endroit. Le trajet coûte entre 0,5€ et 2€ selon la distance. L'aluger (minibus ou pickup) fait aussi livreur. Comme il y a beaucoup d'usagers et beaucoup d'aluger c'est un moyen de transport très efficace. Je ne me lasse pas de regarder les gens, d'admirer leur calme et leur patience. Inutile de courir pour ne pas faire attendre l'aluger ou de se presser à s'installer. Je rêve d'une chose équivalente chez nous ! Ça ferait moins de véhicules sur les routes, moins de pollution, de bouchons et moins de frais dans les chaumières...
Le mouillage de Tarrafal est réputé pour les vents violents qui déboulent des vallées. Nous ne comprenons pas bien dans quelles conditions le phénomène se produit. Une légère variation en force et en direction des alizées semble suffire à provoquer des rafales à plus de 45 nœuds. Nous prenons une bouée pour être plus tranquilles (vérifiée en plongée par Gaëtan, indispensable) et rangeons tout chaque soir, le vent pouvant se lever à n'importe quel moment. Parfois une rafale à 30 nœuds surgit puis plus rien. La journée du vendredi 26 février est venteuse au point que l'annexe de notre amie Eugénie s'envole. Nous retirons notre moteur et remplissons la notre d'eau pour lui éviter le même sort.
Nous sommes chanceux car le temps calme domine pendant notre séjour et nous pouvons voir les tortues qui nagent autour du bateau. Un soir, c'est l'excitation, des « baleines » passent dans la baie en faisant de grands sauts !
Eugénie nous fait découvrir l'association EducarTe dont les activités sont diverses dans tous les domaines de l'art et même plus : musique, peinture, jonglage, cirque et même cours de français ! Dans la petite cour ombragée l'ambiance est douce et agréable et les jeux continuent dans la rue, colorée et fleurie grâce au travail de l'association. Les filles se plaisent ici et nomment l'endroit « la rue de jeux ». On a du mal à les faire rentrer au bateau la nuit venue. Nous voulons partir vers Mindelo puis avoir le temps de visiter Fogo et Brava avant notre départ vers la Gambie. Nous pouvons faire la navigation en deux fois avec un mouillage « baignade » en route mais elles préfèrent revenir une fois de plus à EducaTe et faire la navigation d'une traite.
Notre départ de Tarrafal est salué par la présence d'un cachalot juste dans la baie !Nous faisons la navigation vers Mindelo en duo avec Eugénie et son bateau Giulia.